A Bourges, coup de chapeau au label Fargo
Le Printemps saluait, samedi 21 avril, la réussite de Fargo, un label parisien identifié à l' "americana", courant moderne né du vivier commun du rock, du folk, de la country et du blues. A 18 heures, le Théâtre Saint-Bonnet accueillait Jess Tillmann et Jesse Sykes, une Emmylou Harris à la voix grave et aux idées noires. Dans l'après-midi, Emily Loizeau, première signature française de Fargo, participait aux Escapades dans la campagne berrichonne avant de prendre part, à l'Auditorium, à l'hommage à Neil Young (au côté de Jesse Sykes, Sébastien Martel et Peter Van Poehl). Elle devait y chanter Pocahontas et Harvest Moon.
Au pays roi de l'antiaméricanisme, Fargo, qui doit son nom des diligences Wells & Fargo des westerns de notre enfance, représente une anomalie. Crée par Michel Pampelune en 1999, le label a lancé la carrière de Ryan Adams, parti depuis sur une major du disque, et héberge un des plus grands songwriters du moment, le violoniste américain Andrew Bird - homonyme volatile de Loizeau. " C'est via Andrew que j'ai découvert Fargo, rappelle Emily Loizeau. Je voulais l'inviter à jouer sur le disque que je préparais et j'ai appelé Michel. A l'époque, je n'avais pas de maison de disques, cela faisait un an que je démarchais, je faisais mes affiches toute seule".
Pampelune, lui, se désespère de trouver un oiseau rare s'exprimant dans la langue de Molière. Envoyées par des pseudo-Dylan à l'accent de Ménilmontant, les maquettes qu'il reçoit imitent souvent ses propres artistes (Neal Casal, Richard Buckner). "Le plus simple est de rester dans la consanguinité, s'amuse-t-il, mais je fais mes choix selon mes goûts intimes. Et la chanson passe avant tout le reste".
Leur rencontre débouche sur L'autre bout du monde, un album qui s'est écoulé à 40 000 exemplaires (la meilleure vente de Fargo). Chacun y a trouvé avantage. La jeune femme a ouvert pour le label une fenêtre sur la chanson française sans le couper de ses racines américaines. " J'ai grandi en écoutant Brassens et Dylan, Barbara et Nina Simone, insiste cette pianiste de formation classique, née de mère anglaise. Le folk-rock et la chanson française font autant partie de mon expression. Chez Andrew Bird, on entend aussi une forte influence de la musique française du début du siècle, Ravel, Debussy ou Satie " Comme pour illustrer son propos, Emily Loizeau vient de reprendre Tristesse de Fauré sur un disque consacré aux mélodies françaises du XXe siècle et To Make You Feel My Love, de Bob Dylan, dans Even Cowgirls Get The Blues, une compilation de Fargo.
En retour, Emily Loizeau a bénéficié de l'identité forte du label. "Je suis arrivée au moment où le paysage de la chanson française était dominée par les filles, à la suite de Jeanne Cherhal, rappelle-t-elle. J'ai pensé que cela finirait par lasser. Dans une maison, comme Tôt ou Tard, j'aurait été une de plus. Fargo, cela piquait la curiosité. Beaucoup d'amis chanteurs ont trouvé que j'étais veinarde." Depuis, un deuxième Français, Alexandre Varlet, a été signé par Fargo. Le 6 novembre, Emily Loizeau chantera dans la salle parisienne prestigieuse du Grand Rex. Elle prépare déjà un deuxième album, annoncé comme " gothique et baroque ".
Le Monde.